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Mayotte, quatre mois après : le témoignage de Goss Hanafi

  • Photo du rédacteur: yves dogué
    yves dogué
  • 8 avr.
  • 4 min de lecture

Goss et sa fille lors d'un récent passage à Reims. C'était avant Chido.


Apprécié et redouté sur tous les terrains de handball du territoire champenois, le Mahorais Goss Hanafi a vécu et subi Chido qui a dévasté son île. Il a bien voulu dresser un état de la situation quatre mois après le passage du cyclone qui a dévasté Mayotte.

 

AVEC LE MAILLOT du Reims Champagne Handball ou celui de Taissy, il n’a laissé que de bons souvenirs. En rouge ou en blanc, Aboubakari, plus connu sous le diminutif de Goss ou de Gostra, a laissé son empreinte dans le milieu du handball de la métropole rémoise.


Attaquant altruiste, pivot de devoir, poison des attaques les mieux organisées, Goss a marqué le hand rémois par sa générosité... et ses adversaires par sa rugosité. Pas question de chercher la faille dans le secteur central de sa défense, Goss veille !


Pourquoi mettre en avant ce handballeur plutôt qu'un autre ? Goss Hanafi (photo) est mahorais (originaire de Mayotte). C’est sur son île qu’il a appris le B.A BA de son « métier-passion » de pivot.


C’est à Reims et à Taissy qu’il a démontré ses qualités de handballeur, sa science de la défense, sa résilience et sa faculté (naturelle) à tisser des liens indéfectibles.


« On a sous-estimé Chido »


C’est à Tsingoni qu’il est revenu en 2019. C’est là également, à 8 000 kilomètres et 12 heures de vol de la cité des sacres qu’il a vécu l’épisode le plus dramatique de son existence : le passage du cyclone Chido le 14 décembre 2024. Pour vous, ses amis du hand à Reims et dans la Marne, pour tous ceux qui se pencheront sur ces lignes, Goss a bien voulu se replonger dans ce qu’il aimerait n'avoir jamais vécu et qu'il s'efforce d'oublier.



« Lors du passage du cyclone, j’étais seul chez moi avec mon chat, se souvient-il. La famille était partie le mercredi à Reims, dans le quartier Chatillons, trois jours avant Chido. » Sage décision quand on observe les dégâts. « Un cyclone de cette intensité (4/5) ne s’était jamais produit à Mayotte. Personne n’était préparé à une telle violence, déplore Goss. On a sous-estimé Chido. Le dernier cyclone qui avait fait des dégâts et des morts, c’était en 1984. Il y a 40 ans. J’étais très jeune. »


Les stigmates sont encore là, toujours visibles



Plus de cent jours après l’intrusion du cyclone, la vie a repris ses droits. Tout doucement. « Les stigmates sont encore très visibles, lâche Goss. Beaucoup de gens n’ont plus de toit, les infrastructures sont à terre comme la station de France Télévision, le conseil départemental, l’hôpital de Mamoudzou, la mairie de Tsingoni, de nombreuses écoles ou encore la résidence du Préfet... La faune et la flore ont été détruites. De nombreuses épaves de bateaux sont encore dans l’eau. C’est désastreux. »

Le quotidien des 321 000 Mahorais est impacté. Il n’y a pas une heure, une minute, une seconde sans que le fantôme de Chido ne s'invite dans les têtes mahoraises. « Ma maison a tenu, précise Goss. Mais, ce n’est pas le cas de tout le monde. »  Les Mahorais sont marqués à tout jamais par ces heures de cauchemar.


La course à l'eau potable

 

Aujourd’hui, les Mahorais ont repris tant bien que mal le chemin du boulot, de l’école. Plutôt mal que bien. « L’électricité a été rétablie. L’eau coule à nouveau dans les robinets mais elle n’est toujours pas potable, se désole Goss dans un appel à l'aide subliminal. C’est difficile et cher de trouver de l’eau potable. Il faut se battre dans les supermarchés pour obtenir un pack d’eau à 10 €. Les prix des aliments ont doublé ,voire triplé pour certains produits. La vie qui était déjà très chère est devenue invivable maintenant. »


De nombreux établissements scolaires ont été complètement détruits, des enseignants sont repartis en métropole. « Ils n’avaient plus d’endroit où dormir », explique Goss. Ceux qui restent, comme son frère Pivot, lui aussi handballeur et instituteur en primaire, sont sur-sollicités et font ce qu’ils peuvent.


Dans certains collèges et lycées, les élèves ont cours une à trois fois par semaine. « Ma fille qui est en classe de seconde avait cours le mercredi de 7 heures à 12 heures, dévoile-t-il. On a pris la décision de l’envoyer à Reims, au lycée Libergier, pour qu’elle puisse finir sereinement son année scolaire. » Mais, tout le monde ne peut se le permettre.


» Cette situation catastrophique a poussé le ministère de l’Education nationale à décider qu’il n’y aurait pas d’examens en fin d’année », ajoute-t-il. Les élèves qui devaient passer le Bac ou le Brevet des collèges seront notés en contrôle continu sur ce qu’ils ont vu et appris en classe, car le programme n’aura pas pu être étudié totalement.


Le sport effacé de la carte

 

Et puis, il y a le sport totalement ou presque effacé de la carte mahoraise. « Il n’y a plus d’installations sportives, regrette Goss.  Les gymnases et plateaux sportifs sont détruits de même que les terrains de foot.  Les compétitions sportives sont à l’arrêt depuis le passage du cyclone Chido. »


Ce constat a malheureusement impacté la ville de Tsingoni où le handball est roi. Le classement du championnat de Prénationale a été entériné à la date du 14 décembre.


Le CHC Combani, l’un des rivaux historiques du club de la famille Hanafi (Aboubakari dit Goss, Soidiki dit Pivot et Mouhamadi dit Do), a donc été déclaré champion de Mayotte alors que les matchs aller n’étaient pas bouclés.


Au-delà du résultat, « le plus dur est de ne pas pouvoir reprendre les compétitions quand on sait que la ville de Tsingoni vibre avec et pour son club de handball, l’ASCT (Amitié sportive et culturelle). »

Goss (n° 6) et Pivot (n° 18) : les Hanafi ont fait le bonheur de Taissy... et du handball marnais.
Goss (n° 6) et Pivot (n° 18) : les Hanafi ont fait le bonheur de Taissy... et du handball marnais.

Un ballet de ministres... mais rien de concret


Les chantiers sont nombreux qui redonneront à Mayotte ses atouts. Ses lagons, ses plages, ses sentiers de randonnée piaffent d'impatience à l'idée d'accueillir à nouveau des hôtes. « Pour reconstruire le 101e département français, il faudra de nombreuses années », conclut Goss, inquiet par la lenteur des aides, notamment les aides à taux 0 pour reconstruire l'immobilier.


« Beaucoup de promesses ont été faites par nos autorités mais jusqu’à maintenant, on n’a pas vu venir grand-chose... mis à part un ballet de ministres. Mais, rien de concret. » De nombreux Mahorais ont tout perdu. Et la résignation a... gagné l'archipel.

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