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Gigi, l'une des mamans du foot féminin

Si le football féminin a trouvé sa place dans le paysage sportif actuel, il le doit aux pionnières et aux défricheuses de 1920. Mais, c'est à la fin des années 60, qu'il a commencé à prendre son envol. La Rémoise Ghislaine Souëf a fait partie de ces demoiselles ayant chaussé les crampons. Une exposition retrace leur aventure dans les locaux des Archives municipales de Reims.


Les photos sont extraites des cahiers de Gigi Souëf.

En sport - comme dans (presque) tous les actes de la vie - on a coutume de dire qu'il faut savoir d'où l'on vient. Pas toujours facile, facile ! Alors, certains de nos glorieux anciens (nos anciennes glorieuses en l'occurrence) ont décidé de faciliter la tâche de leurs « descendantes ».


Ghislaine Souëf, plus connue sous le diminutif de Gigi, a collectionné les souvenirs tout au long de sa carrière. En 1968, les ordinateurs n'avaient pas encore fait leur apparition dans les foyers. Les ciseaux, la colle et les cahiers étaient indispensables si vous vouliez donner longue vie à vos souvenirs.


« Pourquoi pas un match féminin »


Au fait, je ne vous ai pas dit... Gigi a été l'une des pionnières du foot féminin en France par un drôle de concours de circonstances. Pierre Geoffroy, journaliste à l'union et Richard Gaud, également salarié du journal, organisaient une kermesse dont le point d'orgue était un événement sportif : match de football ou même combat de lilliputiens.


En 1968, pour la troisième édition de leur grande fête, les deux GO (gentils organisateurs) se sont dit « pourquoi pas un match féminin ? » Seulement voilà... il n'y avait pas d'équipes de demoiselles en shorts et crampons.


Nos deux compères ont donc lancé un appel. « Cherchons jeunes filles souhaitant taper dans le ballon rond », c'est à peu près dans ces termes que l'appel au peuple féminin fut lancé et que le match put avoir lieu. L'Histoire était en marche.


Cinquante-six ans plus tard. Certaines joueuses du Stade de Reims 2023/2024 ont déjà entendu parler de Gigi Souëf et de ses partenaires. Pour celles qui ignorent encore l'existence de cette ancienne gardienne devenue stoppeuse et pour tous les amoureux des footballeuses de la première heure, Gigi a ouvert son armoire aux souvenirs.



Elle a entassé ses cahiers (un tous les ans de 1968 à 1980), déplié et repassé ses maillots flockés Marie Bonheur, Chesterfields ou Kindy, lustré ses innombrables récompenses et a confié tous ses trésors aux Archives municipales de Reims (1) qui se sont empressées de monter une expo. Quoi de mieux que les « Archives » pour remonter la généalogie de Rouge et Blanc, le football rémois au féminin.


(1). - Archives municipales de Reims - 6 rue Robert Fulton (tout au bout de la rue, au fond de l'entrée à gauche). Exposition visible jusqu'au 29 mars. Visite libre du lundi au vendredi, de 9h30 à 12h et de 13h30 à 17h. Gratuit.


 

Les pionnières ne sont pas partageuses


La kermesse de l'union a accouché d'une équipe féminine à Reims montée à l'arrache, le Football Club féminin de Reims. Le succès de ce groupe, composé pour la plupart de filles d'ouvriers, a incité d'autres jeunes demoiselles à donner naissance à un club. Un phénomène contagieux qui a rapidement débouché sur un championnat du Nord-Est puis sur le championnat de France (1974) remporté, évidemment, par les Rémoises, devenues entretemps joueuses du Stade de Reims.


Les pionnières ont alors une longueur d'avance sur l'opposition et conservent leur titre les trois années suivantes. Certainement trop à l"étroit dans l'Hexagone, elles découvrent les plaisirs de l'avion et posent leurs valises aux Etats-Unis, au Canada. En 1971, elles participent au premier championnat du monde (non reconnu par les instances du foot) au Mexique (les Bleues sont constituées à 80 % de Rouges).


Le tour du monde en 10 ans


Elles terminent à la 5e place. Puis, elles reprennent leur périple en Europe. Pays-Bas, Italie, Tchécoslovaquie, Suisse, Allemagne, Hongrie, Espagne, Angleterre les accueillent. La Martinique, la Guadeloupe, Haîti (1974), Taïwan (1978) leur offrent l'hospitalité footballistique à leur tour. « J'ai fait le tour du monde non pas en 80 jours, déclare Gigi Souëf, mais en 10 ans. »

Serge Gainsbourg et Jane Birkin en visite footballistique à Reims.

Le phénomène foot féminin intrigue, nourrit le débat en même temps qu'il séduit. Des stars du cinéma et de la chanson se mettent à fréquenter les sphères du foot. « Marlène Jobert et Jane Birkin ont été nos marraines de cœur », se souvient Gigi Souëf avec émotion. Mais, tout cela fatigue les organismes. Leur domination domestique sans partage prend fin. Les Nordistes d'Etroeungt leur chipent leur couronne deux ans de suite. Les Rémoises reprennent leur bien en1980 et en 1982, leur 5e et dernier titre.


 

Gigi buteuse devant 100 000 spectateurs !


Gigi et ses partenaires ont échangé avec Madame Giscard d'Estaing.

Depuis La Clusaz où elle entretient sa forme physique grâce à la marche et au ski de fond, Gigi Souëf a replongé dans ses souvenirs. Émotions et pronostic au rendez-vous.


« Quel est le meilleur de vos meilleurs souvenirs ?

En fait, j'en ai deux. Le premier titre de championnes de France en 1974 et le but que j'ai marqué de la tête contre l'Angleterre au stade Aztèque de Mexico devant 100 000 spectateurs à l'occasion du premier championnat du monde que l'on a terminé à la 5e place.


Avez-vous encore des regrets ?

Ce serait malheureux d'en avoir. Cela a été une véritable école de la vie dans une équipe qui regroupait au tout début de jeunes joueuses de 14/15 ans et des femmes mures de 30/35 ans.


Avez-vous toujours des contacts avec vos anciennes coéquipières ?

Oui, toujours. Il y en a encore dans la région, d'autres sont plus éloignées. Mais je garde le contact avec Michèle Monier, Renée Delahaye, Claude Bassler, Isabelle Musset, Véronique Roy, Christine Charron, Armelle Binard, Dany Doyen, Brigitte Brugnon, Rachel Vilharino, Ghislaine Brassart, Marie-France Courtois... Il y en a beaucoup d'autres qui ont disparu. J'ai une pensée pour toutes celles qui sont parties trop tôt...


Etes-vous supportrice de l'équipe actuelle ?

Bien sûr. Mais, je suis une supportrice calme. Ce n'est pas moi qui vais crier... On peut finir 5e ou 6e. Il faut que l'on gagne nos trois matchs contre des moins bien classées que nous (au Havre, contre Bordeaux et à Dijon). Les deux autres rencontres (PSG et Paris FC) seront difficiles à prendre. »


 

Le combat d'Alice Milliat


Premiers matchs féminins dès 1920. Il a fallu attendre un demi-siècle pour que la Fédération française reconnaisse officiellement sa pratique. Expo à l'occasion de la Coupe du monde 2019.

Longtemps, le sport féminin a été ignoré. Pierre de Coubertin n'approuvait pas « la participation des femmes à des concours publics. » Le Baron ajoutait qu'elles ne devaient pas « se donner en spectacle. » Sacré combat en perspective pour Alice Milliat, une militante née à Nantes en 1884, qui voulait donner sa place au sport féminin et voir plus de 22 femmes inscrites aux JO (comme à Paris en 1900).


Spécialiste de natation, de hockey sur gazon, d'aviron, elle n'hésita pas à quitter son embarcation et les bassins pour enfiler la tenue de présidente du club omnisports Femina Sport (1912) puis de trésorière de la Fédération française du sport féminin (1917). Sans succès puisque le CIO refusa la féminisation du sport aux JO en 1919.


Impossible n'étant pas Milliat, Alice fonda la Fédération sportive féminine internationale en 1921, organisa les JO féminins un an plus tard, récidiva en 1930. Les derniers JO féminins ont eu lieu en 1934 à Londres. Les JO prennent alors le relais, leur féminisation se poursuit régulièrement. Depuis 1991, toute nouvelle discipline olympique doit comporter des épreuves féminines. Une vraie victoire, une médaille d'or virtuelle qu'Alice Milliat, décédée en 1957, n'aura pas pu savourer. Mais, quel combat !




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