David Baechler, haltérophile dans l'âme, a décidé d’aller à la rencontre d’autres mondes sportifs. Le bobsleigh l’a séduit. Aujourd’hui, il pilote le seul bob masculin français engagé en Coupe d’Europe, une compétition dominée par les Allemands, les Suisses ou encore les Roumains.
Claude, son père, lui a transmis l’amour de la fonte, des barres que l’on charge sans les surcharger et que l’on maîtrise. En compagnie de son père donc, David Baechler a exploré tous les recoins des salles d’haltérophilie, a fréquenté tous les plateaux de compétition avec son club de cœur, le RHM (Reims Haltérophilie Musculation).
Aujourd’hui, quand on lui demande de décliner ses faits d’arme, de dévoiler son tableau d’honneur, David avoue dix titres nationaux (dans les catégories Masters) et des records à 138 kg à l’arraché et 177,5 kg à l’épaulé-jeté en moins de 105 kg de poids de corps.
La belle histoire d’amour aurait pu s’éterniser, les kilos s’additionner dans son livre des performances et les médailles s’entasser dans son armoire aux breloques. Oui, mais voilà... « Depuis 2012, j’ai ouvert des parenthèses vers d’autres sports », révèle-t-il. Le golf a tenté de le séduire. Sans succès. « Et puis un jour, avec Kévin Bouly (un athlète du RHM), on a entendu à l’INSEP qu’un pilote de bobsleigh recrutait des pousseurs pour son bob. »
Soulever des barres... et des montagnes
David n’a pas renié sa première discipline. Il soulève toujours des barres « mais je souffre des genoux et j’ai dû diminuer les charges. Et puis, je voulais goûter à autre chose. » Haltérophilie, Reims... aucun rapport avec les sports de glisse, la glace, la poussée, le pilotage ! « Mais, comme j’ai performé tout de suite, je me suis dit pourquoi pas ? »
Pourquoi ne pas essayer de venir chatouiller les anneaux olympiques qu’il n’avait jamais pu approcher en soulevant des barres. Pour soulever des montagnes – et dévaler les pistes de bobsleigh –, il fallait donc s’en approcher.
« J’ai poussé avec cet équipage jusqu’en 2018. » Mais, David avait une petite idée sous le casque après avoir vu son rêve olympique s’envoler quelques jours avant le rendez-vous de Sotchi (JO 2014). « En 2015, j’ai suivi un stage pour pilotes. » Son objectif de devenir son propre patron n’était plus un secret inavouable.
Mais, en même temps qu’il progressait dans le bob, qu’il s’emparait des manettes de direction, il devait assumer des responsabilités administratives.
Le bob, ça coûte cher...
Car le bob en France repose plus sur des hommes, leur bonne volonté et leur passion que sur la Fédération. Après la retraite de Romain Heinrich, indéboulonnable n° 1, David Baechler est aujourd’hui le seul pilote français à prendre la route des Coupes d’Europe sans pour autant endosser la tenue officielle bleu-blanc-rouge.
Et le bob, cela coûte cher. Il y a d’abord cette luge à coque aérodynamique en perpétuelle évolution à acquérir. La technologie évolue en effet plus vite que le bob lui-même.
Pour rester au sommet de la descente (si, si) ou pour atteindre le gotha européen et y rester, il faudrait « rattraper » les avancées technologiques et changer de bob quasiment tous les ans. « J‘ai acheté cette année un bob de 2020 d’une valeur de 60 000 € », avoue-t-il. Auquel il faut ajouter un budget de fonctionnement de 20 000 €.
Il faut, par exemple, dépenser de 6 à 8 000 € pour un set de patins, ces accessoires si essentiels que les équipages bichonnent ou plutôt poncent et finissent à la pâte de diamant pour les rendre les plus lisses possibles. Il y a encore le fart, la location de la piste pour les entraînements officieux (75 € pour une minute de parcours), les engagements, les combinaisons, la restauration, l’hébergement, les déplacements...
Parlons-en des déplacements souvent lointains. Eh oui, les pistes de bobsleigh compétitives ne fleurissent pas partout. Une en France (La Plagne), en Autriche (Innsbruck), en Allemagne (Altenberg), en Suisse (Saint-Moritz), en Norvège (Lillehammer), en Lettonie (Sigulda).
" Il faut être fou et aimer l’adrénaline "
Les épreuves, regroupées dans le temps, entraînent donc l’équipage dans un road trip glacé (pris sur ses congés), lourd financièrement, épuisant physiquement et destructeur mentalement. Cette semaine, la « Bobteam Baechler » a installé son campement à Lillehammer en Norvège. Une expédition de 2 200 km en camion et bateau via l’Allemagne et la Suède.
Puis, ce sera la Lettonie et Sigulda (1 200 km). Les voyages forment la jeunesse, dit-on. Alors, David Baechler ne fait pas ses 50 ans ! « Mon objectif, c’est de me qualifier pour les Jeux de Milan en 2026. » Ah ! l'insouciance des jeunes années !
Sa voix est claire, déterminée quand il parle de ses ambitions. Comme elle l’est quand il décrit les qualités d’un bon pilote. « Il faut être véloce, explosif lors de la poussée initiale. Il faut être fluide ». Mais encore ? Sa réponse « Il faut être fou, aimer l’adrénaline » rassure sur sa motivation. Car pour atteindre son objectif olympique et descendre les pistes les plus piégeuses à fond les manettes, la technique et le matériel ne suffiront pas.
Le bob à Reims, version Babel
Mais, qu’est-ce qui pousse – le terme est choisi en toute connaissance de cause, vous allez le découvrir bientôt – un sprinter de Kourou (10’’37 au 100 m et aussi 7,58 m à la longueur), un lanceur de marteau tournoyant et lâchant son engin à Aix-les-Bains, un « gros bras » de la force athlétique basé à Marseille et un Rémois, spécialiste du tour de piste (d’athlétisme), oui qu’est-ce qui pousse ces solides " armoires à... glace " à répondre présent sans mot dire et sans maudire (leur boss), et à préparer leurs sacs de sport dès que David Baechler (le boss en question) sonne l’heure du ralliement ?
Dans l’ordre de description, le Guyanais Alan Alaïs, l’Aixois Alexis Flaven, le « minot » Ambs Florestan et le Rémois du DACR (District Athlétique Club de Reims) Thibaud Vanderschaeghe nourrissent le même amour pour le bobsleigh. Plus précisément, ces quatre gaillards se sont découvert la même passion pour le « métier » (le terme est mal choisi) de pousseur (nous y voilà).
Ce carré d’as met sa puissance et son explosivité au service du collectif rémois avec la volonté de propulser les 170 kg du bob à 2 ou les 210 kg de son grand frère à 4 le plus vite possible (jusqu’à 150 km/h) sur les pistes européennes.
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