En attendant d’entendre le doux bruit des médailles du breaking tombant dans l’escarcelle tricolore, nous avons exploré ce sport nouvellement olympique en compagnie du Rémois Ismaël Taggae, champion du monde de la discipline en 2003.
LES JEUX OLYMPIQUES A 45 MINUTES DE PARIS / ÉPISODE 8
JO - 14
PARIS 2024 / CÉRÉMONIE D'OUVERTURE LE 26 JUILLET
PAR QUEL COUP DE BAGUETTE MAGIQUE le petit basketteur, cirant plus souvent qu’à son tour le banc des minimes France dirigés par Paul Paillotin le siècle dernier, s’est-il transformé en champion du monde de breaking six ans plus tard ?
La réponse est simple. « Je n’étais pas assez souvent sur le terrain à mon gré », explique Ismaël Taggae. « A l’époque, j’en ai terriblement voulu à mon coach... ». Avec le recul, l’ancien écolier de « Docteur Roux » et ex-collégien de Paul-Fort (c'est le même homme) peut remercier Paul Paillotin. « J’ai alors cherché une discipline où j’étais tout seul. » Le hasard a voulu qu’un jour Ismaël assiste à une démonstration de breakdance.
Un grand « chez lui »
Une fois le traditionnel « la danse, c’est pour les filles » évacué, l’amoureux toujours aussi fou de la grosse balle orange a dirigé ses pas vers le breaking. « J’avais 17 ans (en 2001). Depuis, je n’ai jamais lâché. Mon engagement n’a pas varié. » Le destin venait de frapper !
Aujourd’hui, Ismaël a 40 ans. Il dirige le Studio 511, une école de danse urbaine créée en 2016, qui a grandi dans la rue, qui a pris son élan au sein des maisons de quartier de sa ville natale avant de trouver son lieu d’expression. D’abord en location puis dans un petit nid et depuis peu dans un grand « chez lui » rue du Docteur Lemoine. Et maintenant, « dans mes différents ateliers (Warmeriville, Gueux à la rentrée), j‘accueille environ 2 000 personnes. »
Trop grand, trop vite, trop fort, pensez-vous. Cette nouvelle maxime olympique ne fait pas tourner la tête du B-Boy - c'est comme cela qu'on appelle les breakdanseurs - Ismaël. Au contraire, le principal intéressé garde les pieds bien sur terre (audacieux pour un B-Boy !). « Je peux accueillir plus de monde. Ce qui m’importe, c’est que tout le monde trouve ce qu’il est venu chercher. »
Une renommée débordante
Ce qu’il est venu chercher ? « La danse, c’est la vie », clame le directeur du Studio 511. Alors, les habitués du 511 apprennent la vie au travers de leurs prestations. « Ils acceptent qu’apprendre la vie réclame du temps, qu’ils vont souffrir, que leur corps va changer, qu’ils vont devoir s’écouter, écouter leur coach ou encore maîtriser l’art de la répétition. »
A voir le succès rencontré par le Studio 511 tous les jours dans la cité des sacres, à voir la renommée naissante, grandissante et même débordante (hors des frontières de la Région) de cette école, on peut affirmer que les efforts du petit-devenu-grand Ismaël n'ont pas été vains. Ne vient-il pas de chorégraphier plusieurs des chansons proposées au public rémois lors de la grande soirée - 20 000 spectateurs et d'innombrables téléspectateurs de France 2 - lors de la Fête de la musique !
Pourquoi 511 ?
Quand « The Battle of the Year » - l’équivalent des championnats du monde de hip hop - débute à Braunschweig (Brunswick) en 2003, les Pockemon de Lyon – le meilleur groupe français - savent que la montagne coréenne (les experts en la matière) est haute, très haute et que pour la renverser, il faudra réaliser des prouesses techniques et chorégraphiques.
Qualifiés pour le dernier battle, les huit danseurs français dont un certain Ismaël Taggae, vêtu d’un tee-shirt floqué Levis 511, séduisent le public et le jury. Un merveilleux souvenir que ni Ismaël, ni sa maman n’ont oublié quelques années plus tard quand il s’est agi de baptiser le studio de danse qu’il venait de créer.
« Ma mère m’a rappelé que je portais ce tee-shirt lors du championnat du monde. » Pour finir de convaincre son danseur de fils, elle a ajouté que les trois premiers chiffres du code postal de Reims, sa ville de naissance, n'étaient sûrement le fait du hasard mais un clin d'oeil du destin.
Breaking, première et dernière...
Les 37 000 spectateurs qui se masseront dans les gradins de la place de la Concorde les 9 et 10 août seront les premiers et (peut-être) les derniers à se nourrir des spins, passe-passe, couronnes ou autres coupoles imaginés par les B-boys et les B-girls olympiques.
Eh oui, on sait déjà que le breaking, cette danse sportive issue de la culture urbaine, née dans les quartiers du Bronx au début des années 70, ne fait pas partie des disciplines additionnelles proposées par Los Angeles 2028.
Raison de plus pour savourer les deux compétitions disputées à Paris les 9 et 10 août par seize B-boys (B pour breaking) et seize B-girls!
La géopolitique du sport ne veut pas que le breaking s’installe durablement dans les sites olympiques. Ne boudons pas notre plaisir et profitons au maximum de ces battles improbables, de ces défis permanents, de ces regards enflammés redevenant presque tendres dès que la musique syncopée et que verdict du jury sont tombés.
Ismaël et les Jeux
Ismaël Taggae ne vit plus la magie des Jeux olympiques comme quand il était adolescent. « Maintenant, je vois plus le côté business des JO. Le business a dépassé le sport. » Dommage, mais cela ne détournera pas le regard du chorégraphe rémois quand les Français se présenteront dans le cypher olympique (le cercle dans lequel ils effectuent leur prestation).
Pour une fois, ce ne sera pas sa ville qu’il défendra mais tout un pays. « C’est vrai, je suis chauvin, admet-il. Je serai derrière Dany Dann lors des épreuves de breaking. » Locomotive française, le B-boy guyanais a fait des Jeux l’objectif de toute une vie. « La France et le Japon sont les leaders de notre discipline mais il faudra se méfier de la Corée et des États-Unis », analyse Ismaël.
La proximité du plus grand rendez-vous planétaire a-t-elle modifié sa perception des JO ? La magie de la flamme olympique, vécue le 30 juin dernier dans les rues de Reims, fera-t-elle renaître la magie olympique dans les yeux d'Ismaël Taggae ?
Tous Jeux, tout flamme
Le 30 juin, Ismaël Taggae a eu l'honneur de porter la flamme olympique dans sa bonne ville de Reims. Il a, bien évidemment relayé ses impressions par le biais des réseaux sociaux.
Facebook le jour même : « Porter la flamme olympique à Reims aujourd'hui, c'était un moment magique ! Imaginez cette flamme, pleine de petites étincelles de notre ville, c'était une fierté immense. Un moment que j'ai partagé avec vous tous. Merci à tout le monde d'avoir été là ! »
LinkedIn le lendemain : « Hier, j'ai eu l'honneur de porter la flamme olympique dans les rues de Reims. C'était incroyable de voir des milliers de familles avec des enfants, tous souriants et enthousiastes. Le message que nous envoyons est fort.
Nous inspirons une future génération passionnée de sport. Voir ces enfants avec des étoiles dans les yeux m'a rendu fier et confiant en notre avenir. Ensemble, nous créons une génération amoureuse du sport ! »
A (re) lire aussi : La saga des Jeux à la rémoise
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